ÉDITORIAL DU COMBAT SOCIAL DE DÉCEMBRE 2017, JOURNAL MENSUEL DE L’UNION DÉPARTEMENTALE FO DE MOSELLE. Les valeurs de Force Ouvrière sont à l’opposé du chacun pour soi, du chacun dans son coin !

, par Udfo57

En 2016, en pleine mobilisation contre la loi El Khomri, la CFDT sortait un tract de « désintox » - c’était le titre - pour faire valoir sa prétendue vérité sur la loi Travail et conforter le gouvernement qui devait faire face à la mobilisation des travailleurs à l’appel de leurs organisations syndicales, principalement FO et CGT.

Contre toute réalité, contre toutes les analyses, y compris les moins partisanes, la CFDT écrivait : « la loi Travail crée de nouveaux droits, la hiérarchie des normes n’est pas remise en cause, la loi renforce le dialogue social dans les entreprises… ».

Comme si la primauté donnée aux accords d’entreprises renforçait le dialogue social !

Cette année, les ordonnances Macron, dont la ratification est encore discutée au Parlement mais dont la plupart des mesures s’appliquent d’ores et déjà, parachève la contre-réforme de 2016 et met la touche finale à la remise en cause du principe de faveur et de la hiérarchie des normes.

Et pourtant, certains tentent toujours de minorer la portée des ordonnances Macron et veulent faire croire que les salariés et leurs syndicats seront en capacité de reconquérir des droits par la négociation d’entreprise. Le gouvernement - et c’est sûrement son rôle lui qui mène une politique au service du patronat comme jamais depuis près de trente ans - explique à qui veut l’entendre que la branche est renforcée, que le dialogue social en sortira gagnant.

Toutes les analyses syndicales, que nous avons développées ces derniers mois, expliquent et démontrent le contraire. Mais même au-delà de notre cercle militant, des spécialistes en droit du travail, pas forcément proches d’ailleurs des organisations syndicales, confirment l’éclatement des droits.

Récemment, Liaisons sociales interrogeait un professeur en droit social sur le prétendu renforcement de la branche. La réponse est sans équivoque : « S’agit-il de considérer que la branche est renforcée car les domaines dans lesquels la loi impose l’impérativité de la branche sont passés de six à treize ? Si c’est le cas, il s’agit largement d’un leurre (…) Pour le reste, il est clair que l’accord d’entreprise est le grand gagnant (…) ».

L’étude consacrée à la “réforme” par Les Éditions législatives est encore plus explicite : « La loi Travail du 8 août 2016 a surtout consacré la primauté de l’accord d’entreprise sur l’accord de branche en matière de temps de travail, de repos et de congés. La nouvelle réforme semble porter le coup de grâce en étendant très largement le champ de la primauté de l’accord d’entreprise, bien au-delà de la durée du travail et des congés ».

Oui l’accord d’entreprise est le grand gagnant, oui les salariés et leurs droits collectifs et individuels sont les grands perdants. Et malheureusement, les prochains mois vont très rapidement le confirmer. Il y a, malgré tout, deux domaines où la branche est d’une certaine manière renforcée : les conditions d’application du CDD et le CDI de chantier. Mais si renforcement de la branche il y a, c’est au détriment du Code du travail et des mesures qui s’appliquaient de manière impérative pour protéger les salariés ; ce n’est désormais plus le cas.

Dans ce contexte, à défaut d’avoir su ou voulu véritablement engager le rapport de force, il faudrait dorénavant s’adapter au nouveau dialogue social et tenter de faire au mieux entreprise par entreprise.

Dans le meilleur des cas il s’agit d’un leurre. Et en tout état de cause, si à Force Ouvrière nous sommes des partisans de la négociation, nos valeurs sont à l’opposé du chacun pour soi, du chacun dans son coin.

C’est ce que nous avons exprimé en nous mobilisant les 12 et 21 septembre dans un contexte difficile. C’est ce que nous avons encore fait le 16 novembre dernier ; c’est en essayant de construire ensemble, nationalement et de manière interprofessionnelle, le rapport de force que nous serons en capacité de faire face aux attaques de grande ampleur que ce gouvernement a engagées : la remise en cause des droits collectifs sur la formation professionnelle, l’étatisation de l’assurance chômage, la mise en cause des principes fondateurs de la sécurité sociale et des régimes de retraite. C’est cette voie que vous devrons continuer à suivre.

Ne pas se cantonner au baroud d’honneur au risque de lasser les travailleurs. Refuser de s’adapter ou de se soumettre à la “culture de la loose”(*) !

(*) expression empruntée à Yannick Noah