Monsieur le Président,
Je vous présente par ce courrier officiellement et par écrit la position de l’Union départementale FO de Moselle dans le cadre de la consultation organisée sur l’établissement du statut départemental réglementant l’ouverture des magasins les dimanches et jours fériés en Moselle, et dans le prolongement de la réunion qui s’est tenue lundi 11 mai dernier.
Ce courrier s’adresse tant au Président du Conseil départemental qu’au Préfet de Moselle dans la mesure où on nous a présenté un projet d’évolution du statut local qui s’articule autour d’une délibération du Conseil départemental et d’un nouvel arrêté préfectoral abrogeant tous ceux en vigueur à ce jour.
Aucun document ne nous a été remis, et je suis dans l’obligation de formuler notre appréciation à la seule lumière des informations orales (et rapidement projetées) communiquées lors de la réunion du 11 mai. Cela me permet néanmoins de considérer que le projet que vous avez élaboré conjointement remet en cause soixante années d’application du droit local et conduit à rapprocher celui-ci du droit commun, comme le souhaitaient les services de la Préfecture.
S’il ne s’agit pas encore d’un alignement sur la totalité du projet de loi dit "Macron", il n’en demeure pas moins qu’en Moselle, la réglementation sur l’ouverture des magasins le dimanche et jours fériés va s’adapter à la législation nationale actuelle (basée sur la loi Mallié), voir la dépasser.
En effet, vous proposez, conjointement, de graver dans le marbre l’ouverture des quatre dimanches avant Noël et d’élargir les possibilités d’ouverture au premier dimanche des soldes d’hiver et d’été pour une durée limitée à cinq heures. Ceci porte d’ores et déjà à six le nombre de dimanche ; rappelons pour mémoire que jusqu’à très récemment encore le nombre de dimanche était limité à trois par autorisation et préconisation de la Préfecture.
Même si la délibération départementale n’y fera pas explicitement référence, Monsieur le Président du Conseil départemental a évoqué une journée d’ouverture supplémentaire qui pourrait être accordée aux municipalités pour un évènement particulier. Il n’y a aucun doute que les principales communes du département saurons convaincre la Préfecture de "l’absolue nécessité commerciale ou touristique" de cette dérogation supplémentaire.
Ainsi dans les plus grandes communes, il est vraisemblable que les salariés des commerces devront travailler sept dimanches dans l’année.
S’ajoutent à ces possibilités d’ouverture des magasins une dérogation spécifique aux concessionnaires automobiles de quatre jours. Ceux-ci n’étant pas exclus des mécanismes cités précédemment, et même s’ils ne sont pas intéressés d’un point de vue commercial (en tout cas pour le moment), rien ne pourrait les empêcher de les utiliser (dix ou onze dimanches ?)
En ce qui concerne la limitation à cinq heures, la délibération du Conseil départemental ne peut pas la contourner directement. Il ne s’agit pas pour autant d’une véritable garantie dans la mesure où l’article L. 3134-4 du code du travail permet à l’autorité administrative (en l’occurrence la Préfecture) de porter le nombre d’heures travaillées jusqu’à dix les dimanches et jours fériés pour lesquels les circonstances locales rendent nécessaires une activité accrue. Gageons, là encore, que la Préfecture qui semble particulièrement à l’écoute de quelques intérêts mercantiles saura satisfaire les demandes qui inévitablement seront déposées notamment à l’occasion des soldes.
Enfin à propos des dérogations permanentes, qui ont suscité l’ire de certains commerces et conduit le tribunal administratif à annuler les arrêtés préfectoraux du 17 juillet 1956 au motif que le Préfet n’était pas compétent, elles seront dorénavant fixées… par un arrêté préfectoral abrogeant tous les précédents. Notons sur la forme que ces dérogations qui permettront à certains commerces d’ouvrir sur la totalité de l’année seront prises sous le visa de l’article L. 3134-7 du code du travail : cela permettra à la Préfecture de se passer de la consultation des organisations syndicales et patronales comme elle l’a déjà fait par le passé.
La présentation des secteurs d’activité ayant été faite d’une manière extrêmement rapide, la délégation FO n’a eu que le temps de constater une augmentation importante des types de commerces qui bénéficieront d’une dérogation permanente sur l’ensemble de l’année.
On peut néanmoins souligner quelques points qui ont attiré notre attention :
un certain nombre de nouvelles dérogations (artisans d’art, brocanteurs, antiquaires, bouquinistes, snacks et glaciers, location de vélo...) laissent penser qu’on essaie de créer des dérogations qui pourraient s’inscrire dans des zones touristiques telles qu’elles sont prévues par la loi Macron par exemple ; l’extension de 120 à 200 m2 pour les commerces d’alimentation. Rappelons que cette dérogation ne date que de juillet 2014 et que la superficie augmente déjà de manière conséquente. Qu’en sera-t-il à l’avenir ? s’ajoute à ses dérogations, une nouvelle mesure concernant les commerces de gare. Cette dérogation étant liée nous dit-on à l’activité touristique.
Force Ouvrière est en désaccord avec bon nombre de ces dérogations, pour autant certaines pourraient faire l’objet d’une discussion (qui n’a pas eu lieue) et probablement d’un consensus. Mais tel n’est pas le cas des commerces d’alimentation à 200 m2 et des commerces de gares.
Il faut souligner sur ces derniers que la dérogation pourrait être prise aussi au visa de l’article L. 3134-7 qui permet au Préfet de les accorder "aux catégories d’activités dont l’exercice complet ou partiel est nécessaire les dimanches ou jours fériés pour la satisfaction de besoin de la population présentant un caractère journalier ou se manifestant particulièrement ces jours-là". Il ne nous semble pas, mais sous réserve de l’appréciation du tribunal administratif, que les commerces de gares soient une "catégorie d’activité" en particulier.
Pour Force Ouvrière, la présentation qui nous a été faite, si elle se confirmait par une délibération du Conseil départemental le 18 mai et par un nouvel arrêté préfectoral, serait un recul social extrêmement important qui va peser lourdement sur de très nombreux salariés du commerce qui ne travaillaient pas jusqu’à présent le dimanche. Il faut aussi préciser que ceux-ci ont la particularité d’être majoritairement des femmes, souvent à temps partiel et subissant pour certaines des horaires décalés.
Ces mesures qui dénaturent selon nous l’esprit du statut local en vigueur jusqu’à présent sont prises sans aucun égard pour les femmes et les hommes dont la vie sociale et familiale va être dégradée.
Pour conclure enfin, L’Union départementale regrette le refus d’intégrer dans le statut local une obligation de mettre en oeuvre des compensations financières au travail le dimanche. On nous oppose des raisons légales qui n’existent pas. En effet, l’Institut du droit local qui semble être une référence pour les rédacteurs de votre proposition, et pour ceux qui ont rédigé le rapport du Conseil économique, social et environnemental de Lorraine qui participe à l’évolution actuelle, a proposé il y a quelques années un projet de délibération pour les Conseils généraux. Dans un article 6, il était prévu : "Les dérogations à l’interdiction d’emploi de salariés les dimanches et jours fériés sont applicables dans l’entreprise à la condition qu’au préalable les modalités de rémunérations et de prise de repos compensateur aient été définies par convention ou accord collectif de travail. À défaut, la rémunération doit être au moins du double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente".
L’expertise de l’IDL ne peut pas être appréciée de manière variable ou au gré d’intérêts particuliers : la question de l’illégalité prétendue de cette mesure favorable aux salariés n’est donc qu’un prétexte.
L’Union départementale FO vous rappelle donc l’opposition qu’elle a formulée lors de la réunion du 11 mai, mais reste prête à discuter ou négocier toute évolution qui ne nuirait pas aux intérêts des salariés qu’elle représente.