<Font color="#CCCC33">Éditorial du Combat social d’août 2013 : journal mensuel de l’Union départementale FO de Moselle.

, par Udfo57

RETRAITES : réformette ou réforme de fond ?

Le premier Ministre a donc dévoilé le 27 août les grandes lignes du projet gouvernemental de réforme sur les retraites. Pour certains commentateurs, le patronat et l’opposition parlementaire, le projet n’est pas à la hauteur des enjeux (ceux fixés bien sûr par les marchés financiers). Pour d’autres, et pour le principal acteur, le gouvernement, il s’agit d’une réforme de fond, d’une réforme structurelle qui rassurera les marchés financiers et garantira à long terme l’équilibre des régimes de retraite. Comme d’habitude, pourrions-nous dire, puisque c’est le message habituel qui accompagne chaque contre-réforme depuis 1993…

Le fait que la Cfdt se déclare plutôt satisfaite est déjà pour nous un premier indicateur inquiétant (elle prend acte des efforts partagés et mesurés qui sont demandés). De leurs côtés, les cris d’orfraie du patronat ne servent-ils pas plutôt, comme le rapport Moreau paru mi-juin, d’épouvantail permettant à certains d’expliquer qu’on a échappé au pire ?

Mais qu’en est-il en fait ?

Le premier constat ou le premier commentaire que l’on peut faire, c’est que le gouvernement ne remet pas en cause les contre-réformes de 2003 à 2010 ; réforme que la majorité présidentielle actuelle avait pourtant contestée. Non seulement celle-ci continue à s’appliquer, mais elle est même prolongée, renforcée et aggravée.

Ce qui caractérise le futur projet de loi Hollande/Ayrault, c’est en effet la poursuite du report de l’âge de départ en retraite pour atteindre 62 ans à partir de la génération 1955, ainsi que le respect du calendrier de l’allongement de la durée de cotisation décidée par les réformes des gouvernements précédents depuis 20 ans.

Ainsi, alors que la durée moyenne d’activité actuellement constatée est de 151 trimestres (37 ans et 9 mois) et que l’espérance de vie en bonne santé baisse à 63 ans, la durée de cotisation nécessaire pour bénéficier d’un retraite à taux plein va encore progresser scandaleusement à 41 ans et demi en 2018, 41 ans et 3 trimestres en 2020 pour atteindre 43 ans en 2035. Cela correspond à la revendication patronale et aux injonctions récurrentes de la troïka.

Ainsi le gouvernement a fait le choix de répondre favorablement aux exigences libérales de l’Union européenne et des marchés financiers, et de faire payer la note de la crise à tous les salariés, du privé et du public, aux plus jeunes comme au plus anciens. C’est ce que certains appellent une réforme équilibrée, marque de fabrique des politiques économiques dictées, aux Etats, par les marchés.

Comment accepter l’allongement de la durée de cotisation alors que l’espérance de vie en bonne santé baisse, que les périodes d’incapacité augmentent, que le chômage continue à progresser, que les plus jeunes ont de plus en plus de mal à trouver un vrai travail, avec un vrai salaire (le début dans la vie active est aujourd’hui d’environ 23,5 ans), et qu’enfin les plus anciens (1 salarié sur deux) se retrouvent souvent, en fin de parcours, privés d’emploi depuis plusieurs années.

L’allongement de la durée de cotisation (et pas forcément de la durée de travail), présentée comme une réforme mesurée, aboutit de fait à reculer une nouvelle fois, et de manière brutale, l’âge de départ en retraite et conduira sans aucun doute possible à la baisse des pensions. A chaque réforme, c’est un fait, l’allongement de la durée de cotisation nous rapproche un peu plus de la « retraite des morts ».

Pour FO, la vraie réforme des retraites, la seule réforme courageuse, c’est celle qui consiste à abroger les différentes lois et contre-réformes de 1993, 1995, 2003 et 2010, à revenir à la retraite à 60 ans et à baisser la durée de cotisation. Et que l’on ne nous parle pas de déficits et de financement. Il s’agit là d’un choix de société que la croissance, une autre répartition des richesses produites, la création d’emploi, l’augmentation des salaires et l’arrêt des cadeaux fiscaux et sociaux faits aux patrons peuvent largement financer.

Le projet gouvernemental ne s’arrête pas, bien entendu, à l’allongement de la durée de cotisation. Par souci de « justice sociale » et pour équilibrer les régimes de retraites, le gouvernement prévoit une hausse des cotisations salariales et patronales de 0,15 point en 2014 et de 0,05 point ensuite pendant 3 ans.

Certes, il n’y a pas d’augmentation de la CSG, certes la Confédération FO n’excluait pas d’accepter une légère hausse des cotisations (à la condition qu’il n’y ait pas d’allongement de la durée de cotisation), mais il faut avoir l’honnêteté d’expliquer qu’en réalité ce sont les salariés qui vont subir ce surcoût par une nouvelle baisse de leur pouvoir d’achat. À commencer par les fonctionnaires dont le salaire est bloqué depuis 2010.

Il ne faut pas oublier non plus que d’une part les entreprises bénéficient d’une exonération extrêmement importante des cotisations patronales pour tous les salaires inférieurs à 2288 euros bruts mensuels, et que par ailleurs, Monsieur Ayrault a confirmé la poursuite de sa politique de réduction du coût du travail.

Répondant à l’exigence patronale, exprimée récemment par Monsieur Gattaz, de baisser le coût du travail de 50 milliards en cinq ans, le gouvernement prépare à l’évidence le transfert total ou partiel de la cotisation d’allocation familiale (5,4%) payée par les entreprises sur un dispositif fiscal, CSG ou autre (et notamment par de nouvelles taxes dites environnementales dès la loi de Finances 2014).

C’est donc principalement sur les salariés que se répercutera ce transfert. Ce sont eux et eux seuls qui vont donc payer plein pot par de nouvelles régressions de leurs droits et de leur pouvoir d’achat ! Autre aspect des annonces gouvernementales, la pénibilité. Présenté comme une mesure positive, le système imaginé par le gouvernement appelle pour le moins quelques remarques. Tout d’abord à FO, nous sommes évidemment pour la prise en compte de la pénibilité. Cela doit passer bien sûr par un financement des entreprises au travers d’une vraie amélioration des conditions de travail, et par des départs anticipés à la retraite... mais avant 60 ans.

Ensuite, le mécanisme ne semble pas prendre en compte (ou très peu) la pénibilité subie avant 2015 et devrait se traduire par l’acquisition de points permettant de valider notamment des trimestres pour la retraite.

Même si cela ne paraît pas tout à fait de même nature, on ne peut s’empêcher de penser qu’on introduit là les prémisses d’une réforme systémique de retraite individualisée par points : réforme structurelle vers un régime unique cher à la Cfdt, confirmée peut-être aussi par la mise en œuvre annoncée d’une structure inter-régimes associant tous les organismes de retraites obligatoires (de base et complémentaires) : là aussi, les suites de cette nouvelle contre-réforme, si elle aboutit, pourraient bien en préparer d’encore plus importantes et destructrices pour ce qu’il reste de la retraite par répartition…

Alors oui, la réforme Ayrault confirme et poursuit 20 ans de recul social en matière de retraite.

Alors oui, cette réforme est une réforme de fond, qui en prépare d’autres, et qu’il faut donc contrer pour empêcher la retraite par points et la capitalisation.

Alors oui, cette réforme est inacceptable.

Alors oui, la mobilisation par la grève et les manifestations est encore plus d’actualité. Le 10 septembre nous devrons montrer notre détermination à ne pas céder, et nous devrons en faire le point de départ d’un rapport de forces pour gagner.

Alexandre TOTT
Secrétaire général
UD FO MOSELLE